L’intelligence artificielle, le changement climatique et la guerre
Le contexte dramatique de la guerre en Ukraine manifeste de nouveaux paradigmes à l’ère du numérique et du dérèglement climatique. Dès lors, on ne peut que s’interroger. Quels liens entretiennent la lutte contre le changement climatique et les conflits humains ? Les guerres sont-elles également des cyberguerres ? Les armes létales autonomes sont-elles régulées ? Pourquoi et comment les armées utilisent-elles des drones ? Doit-on craindre que les armées autorisent de déployer sur le terrain des soldats augmentés ?
Guerres et dérèglement climatique : des liens ténus
« Doublement angoissé ». C’est par ces termes que Bruno Latour, sociologue, anthropologue et philosophe, a exprimé sa désolation face à la concomitance de la guerre en Ukraine et de la publication du dernier rapport du GIEC sur la mutation climatique[1].
|
Maryborough le 28 février 2022• Crédits : QUEENSLAND POLICE SERVICE - AFP |
Selon lui, ces deux crises géopolitiques engagent deux définitions de la terre : d’une part, la terre qu’on envahit brutalement et d’autre part, la Terre, celle du dérèglement climatique « qui resserre sa prise sur toutes les nations »[2]. Dans les deux cas, Bruno Latour soutient que nous sommes dans une situation de guerre, et cela « sans aucun principe supérieur commun, aucun arbitre suprême (…) Il n’y en a plus pour contenir la Russie ; il n’y en a pas encore pour contenir le climat. »[3] Ainsi, la guerre en Ukraine marque la fin de l’ordre issu de la dernière guerre mondiale sans possibilité de voir « émerger l’ordre qui pourrait sortir de la guerre “planétaire” rapportée par le GIEC »[4].
Le constat dressé par le deuxième volet du sixième rapport d’évaluation du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC), publié le 28 février 2022, est en effet alarmant[5]. Le premier volet, en date d'août 2021, concluait que le changement climatique était plus rapide que prévu. En avril 2022, a été publié un troisième volet de ce sixième rapport concernant les solutions à mettre en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
Intitulé « Changement climatique : impacts, adaptation et vulnérabilité », le deuxième volet du sixième rapport du GIEC est le fruit d’une collaboration internationale de 270 scientifiques issus de 67 pays. Ce rapport présente l’état actuel des connaissances sur les impacts perceptibles et les risques du changement climatique sur les humains et les écosystèmes à court, moyen et long termes en fonction des niveaux de réchauffement. Ce rapport rappelle que les événements climatiques extrêmes (vagues de chaleur, fortes précipitations, inondations, cyclones tropicaux intenses, sécheresses, incendies) et les effets du changement climatique ont d’ores et déjà des impacts importants sur les populations, les écosystèmes et les infrastructures. Les conséquences sur l’accès à l’eau et la sécurité alimentaire, la santé, le fonctionnement des économies et la biodiversité sont particulièrement graves. Les membres du GIEC affirment que les risques s’aggraveront avec l’augmentation du réchauffement climatique, dans l’ensemble des régions du monde. Le rapport souligne qu’au-delà de 1,5°C de réchauffement, le changement climatique aura des impacts irréversibles, notamment sur la biodiversité. Pour le GIEC, des solutions d’adaptation existent. Cependant, elles nécessitent une transformation systémique. Ces solutions d'adaptation impliquent notamment de ne plus dépendre des énergies fossiles.
Cette dépendance est d'autant plus décriée depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Effectivement, comme le souligne Svitlana Krakovska, météorologue ukrainienne et membre du GIEC, « l’argent qui finance cette agression est directement lié au changement climatique, puisque cet argent vient des énergies fossiles, pétrole et gaz. Si nous ne dépendions pas de ces énergies, la Russie n’aurait pas les moyens pour entreprendre cette guerre »[6]. Selon elle, « les conflits vont augmenter, des conflits pour s’approprier l’eau, les forêts, les derniers sols fertiles, or, si n’importe quel grand pays peut aujourd’hui s’emparer de son voisin juste parce qu’il l’a décidé, et bien à l’ère du changement climatique, nous aurons perdu. » [7]
Le constat du lien entre les conflits armés et le changement climatique n'en demeure pas nouveau pour autant. En effet, en 2015, le rapport « Un nouveau climat pour la paix : agir pour le climat et les risques de fragilité »[8], commandé par les membres du G7 à l’occasion de la COP21, avait identifié sept menaces parmi lesquels la compétition pour l’accès aux ressources locales, les migrations climatiques, les catastrophes et événements météorologiques extrêmes, la volatilité des prix de l’alimentation et les difficultés d’approvisionnement, la gestion des eaux transfrontalières, l’élévation du niveau des mers et la dégradation littorale et enfin les effets non intentionnels des politiques climatiques.
La guerre en Ukraine est loin d’être la première guerre dont les liens avec le changement climatique sont dénoncés. Ainsi, en 2007, Ban Ki-moon, secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, avait qualifié le conflit au Darfour, ayant occasionné 300 000 morts et déplacé deux millions et demi de personnes depuis 2003, de « première guerre du changement climatique ». Cette affirmation avait entraîné plusieurs travaux de recherche sur le sujet. Clémentine Thiberge, journaliste au Monde, précise que « Marshall Burke, économiste de Berkeley, a établi, peu de temps après, un lien entre changement climatique et guerres en Afrique subsaharienne. En comparant les courbes de températures et l’historique des conflits, le chercheur a prédit que les guerres causées par le réchauffement climatique feraient plus de 459 000 morts d’ici à 2030 »[9].
En juillet 2020, un rapport du Comité international de la croix rouge, intitulé Quand la pluie devient poussière[10], avait examiné comment les pays qui se trouvent dans des situations de conflit sont confrontés de façon disproportionnée au changement et à la variabilité du climat. On peut ainsi en tirer sept constats principaux :
- Sur les 20 pays considérés comme les plus vulnérables au changement climatique, 12 se trouvent en situation de conflit ;
- Les scientifiques s'accordent généralement à dire que le changement climatique ne provoque pas directement de conflits, mais qu'il peut indirectement accroître le risque de conflit en exacerbant les facteurs sociaux, économiques et environnementaux existants ;
- L'insécurité limite la capacité des personnes à faire face aux chocs climatiques comme en témoigne l’exemple des éleveurs de bétail au Mali qui pouvaient auparavant se déplacer librement avec leurs animaux pour chercher de la nourriture mais qui sont désormais contraints de ne pas voyager avec leur bétail par crainte d'être attaqués par des groupes armés ou des bandits alors même que le changement climatique engendre une réduction de la disponibilité des pâturages ;
- L'adaptation au changement tend à être complexe dans la mesure où elle peut nécessiter des bouleversements sociaux, culturels ou économiques majeurs ;
- Généralement, l'environnement naturel est directement agressé ou dégradé par la guerre ;
- Le droit international humanitaire protège l'environnement naturel puisque depuis 1977, les États ont protégé l'environnement naturel contre des dommages étendus, durables et graves par le biais du Protocole additionnel I aux Conventions de Genève ;
- L'action humanitaire doit s'adapter[11].
Pour autant, comme le confie Svitlana Krakovska au Times Magazine[12], « il y a tout de même un point positif, ce que prouve ce que nous vivons, ici en Ukraine, c’est que les gens peuvent s’unir, se mobiliser, et qu’il est donc possible de le faire aussi pour le climat et notre planète. » Il est vrai que les nouvelles formes de mobilisation citoyenne sont multiples. Judith Rochfeld, Professeure de droit au sein de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne avait ainsi rédigé un ouvrage intitulé Justice pour le climat[13] dans lequel elle présente les procès inédits initiés par les citoyens concernant le sort du climat. Selon elle, la notion de bien commun tient un rôle central qui devrait conduire à redéfinir les responsabilités des individus, des entreprises et des États.
Des guerres également numériques
On ne peut plus ignorer que les guerres actuelles se jouent également dans le cyberespace. L’une des premières manifestations de ce changement de paradigme concerne les relations entre certains opérateurs de plateformes et les États concernant la modération des contenus. Il a été mis en évidence que certains opérateurs de réseaux sociaux jouent ainsi un « jeu trouble » concernant leurs règles de modération face aux sanctions russes et européennes.
D’un côté, les demandes de l’Ukraine et ses alliés souhaitent faire taire la propagande russe. De l’autre, les parlementaires russes ont récemment voté des amendements à loi russe contre les « fausses informations » imposant une peine de 15 ans de prison pour la diffusion intentionnelle qualifiée de « fausses informations » sur les forces armées russes à propos du conflit en Ukraine[14]. |
Marina Ovsiannikova a fait irruption derrière la présentatrice avec sa pancarte. (Capture d'écran 'Youtube') |
En réaction, selon le média Reuters, Facebook a modifié ses règles de modération afin d’autoriser les appels à la violence[15]. Les menaces de mort envers les soldats russes et ukrainiens ainsi que le président russe Vladimir Poutine et le président de Biélorussie Alexandre Loukachenko sont autorisées sur le réseau social, dans un nombre réduit de pays, dont l’Ukraine et la Russie. Alors que Facebook est déjà interdit, le procureur général russe a porté plainte contre Facebook, afin de désigner la plateforme comme une « organisation extrémiste »[16]. Des élus ont également appelé à bannir Instagram du pays. Dans le même temps, le journal The Guardian révèle que Twitter a supprimé des messages de l’ambassade russe au Royaume-Uni[17] et YouTube a annoncé avoir élargi au monde entier le blocage des comptes des médias financés par le Kremlin[18].
Une autre manifestation des guerres à l’ère du numérique est l’apparition de cyberguerres. Les auteurs ne s’entendent pas sur la définition de cette notion bien que le dictionnaire le Robert désigne sous le terme de cyberguerre « une attaque électronique contre des systèmes informatiques pour les utiliser comme moyen de propagande et de désinformation, ou pour paralyser les activités vitales d'un pays »[19].
Comme l’explique le journaliste Barthélemy Dont, « pour relater ce qui est considéré comme le premier acte de cyberguerre, il faut remonter en 2007, en Europe de l'Est. Le gouvernement estonien décide à l'époque de se débarrasser du Soldat de bronze, une statue d'un soldat soviétique. Vue comme un symbole de l'occupation, l'œuvre doit quitter le centre de Tallinn, la capitale, pour être déposée en périphérie. Mais cette décision ne passe pas auprès de la minorité russophone du pays, qui déclenche alors des émeutes dans la capitale. Les émeutes sont vite suivies d'attaques informatiques par déni de service, dans tout le pays. Banques, médias, administrations, tout est down, et parfois pour plusieurs jours. Un faisceau de preuves désigne assez rapidement le gouvernement russe, qui devient alors le premier à commettre une attaque informatique de grande ampleur contre une autre nation »[20].
L’histoire se répète puisqu’en Ukraine, les cyberattaques se sont multipliées en parallèle de l’invasion terrestre. Or, d’après des journalistes du Figaro, « les combattants numériques qui s’en prennent à l’Ukraine, pour ce qu’on connaît d’eux, s’appellent Garmaredon, Armageddon, Actinium, UNC2452, APT 28, APT 29… Autant de prête-noms qui dissimulent parfois les mêmes groupes. Certains sont liés au GRU, le renseignement militaire russe qui mène les opérations extérieures secrètes offensives, d’autres au SVR, le renseignement extérieur, ou au FSB, les services de sécurité. En perturbant les communications, en volant des informations stratégiques, en minant la confiance de la société ukrainienne, ils participent à la guerre tandis que les bombes pleuvent sur le pays, tout en brouillant les pistes. « Depuis 2014, l’Ukraine est le terrain de jeu privilégié pour tester l’armement cyber », rappelle Julien Nocetti, chercheur à l’Ifri et spécialiste du numérique comme de la Russie »[21].
L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) souligne que « dans un espace numérique sans frontières, ces cyberattaques peuvent affecter des entités françaises et il convient sans céder à la panique de l’anticiper et de s’y préparer[22]». Elle constate également que « depuis le 23 février 2022, soit la veille du déclenchement de l’opération militaire russe en Ukraine, des cyberattaques assez diverses ont été constatées :
- Des attaques par déni de service distribué (DDoS) qui auraient notamment visé les sites des institutions gouvernementales mais également des banques ukrainiennes. Des groupes hackvitistes, dont certains répondant à l’appel du gouvernement ukrainien, ont également conduit des attaques par déni de service distribué à l’encontre de cibles russes ;
- Des défigurations de sites internet en Ukraine, en Russie et en Biélorussie ;
- Des tentatives d’intrusion sur les messageries électroniques avec du hameçonnage ciblé d’institutions ou des forces armées ukrainiennes ont également été rapportées ;
- Des cyberattaques avec des codes malveillants de sabotage (wiper) ont été identifiées. Ces actions, les plus destructrices, semblent parfois avoir été précédées par des exfiltrations de données.
Ces cyberattaques ont des impacts limités pour le moment. Toutefois, celles-ci peuvent affecter par rebond des entités françaises. L’ANSSI recommande donc d’anticiper cette situation et de s’y préparer. Les entreprises françaises ayant des filiales en Ukraine ou en Russie sont évidemment particulièrement exposées à ce risque et doivent donc se montrer vigilantes. Des acteurs offensifs non liés directement aux parties en conflit sont par ailleurs susceptibles d’utiliser la situation de façon opportuniste pour mener des actions d’ hameçonnage ciblé. Les courriels ou messages non sollicités évoquant la question de l’accueil des réfugiés ukrainiens ou toute autre thématique en lien avec la situation en Ukraine doivent donc faire l’objet d’une prudence renforcée. Enfin, une partie de l’écosystème cybercriminel russophone s’est positionnée dans le conflit en cours, le groupe cybercriminel Conti apportant par exemple son soutien au gouvernement russe. D’autres groupes ont toutefois déclaré rester neutres, se focalisant uniquement sur des objectifs lucratifs. Enfin, des cybercriminels ont déclaré souhaiter et être en mesure de cibler des infrastructures critiques russes. Cette division de l’écosystème cybercriminel combiné à d’éventuels effets d’aubaine incitent à la prudence en cas de cyberattaques, qui ne sauraient être interprétées trop rapidement comme une action commanditée dans le cadre du conflit »[23].
Dans ce contexte, il devient difficile d’attribuer la cyberattaque du réseau satellitaire ViaSat qui couvre notamment l'Europe, et assurant la connexion Internet pour des dizaines, voire des centaines de milliers de personnes européennes [24]. Les enjeux relatifs à la numérisation dans les armes et à la cyberdéfense ont notamment justifié en France la création d’une Agence pour l’innovation de défense installée depuis septembre 2018[25]. Pour autant, les lignes rouges des cyberguerres ne sont pas tracées. Dès lors, comment déterminer si le cyberespionnage et la reconnaissance de cibles potentielles peuvent être qualifiés d’actes de guerre ? Un dommage collatéral pourrait-il être une agression ? Ces enjeux questionnent et appellent les nations à définir des limites et de pondérer leurs actions et réactions au plus vite. Pourtant, cela n’est pas aisé si l’on s’en tient à l’exemple des armes létales autonomes.
L’absence d’un consensus international sur l'interdiction des armes létales autonomes
Actuellement, dans l'immense majorité des armées régulières, l’ouverture du feu reste conditionnée à une décision humaine. Cela étant, il est désormais possible d’automatiser ces décisions par le recours à un système d'armes létales autonome (SALA) aussi dit robot tueur (lethal autonomous weapon (LAW), lethal autonomous weapon system (LAWS), autonomous weapon system (AWS), robotic weapon, killer robot ou slaughterbot1). Bien que la définition ne soit pas figée, il s’agit d’automates capables de mener une action létale de manière automatisée sans interventions humaines. L'existence des SALA entre en contradiction avec le principe de non-malfaisance qui enjoint, selon Yannick Meneceur, aux concepteurs de s’assurer que les systèmes d’IA ne portent pas atteinte aux êtres humains ou n’aggravent une situation existante[26]. Comme le souligne cet auteur, Human Rights Watch s’était saisi du sujet dès 2012 mais dix ans plus tard aucun consensus mondial n’a encore abouti[27].
Pourtant, en 2018, s’était tenue au sein du siège de l’Organisation des nations unies la première réunion du groupe d’experts gouvernementaux sur les technologies émergentes dans le domaine des SALA[28]. Pour alerter sur le danger de ces armes, l’ONU avait diffusé une scène sortie toute droite sortie d'un film de science-fiction : des mini drones, programmés grâce à l'intelligence artificielle pour tuer en toute autonomie, des étudiants dans une université (la vidéo des Robots massacreurs).En 2021, la majeure partie des 125 pays membres de la Convention des Nations unies sur certaines armes classiques souhaitait qu'une réglementation soit introduite sur les robots tueurs. Cependant, l'opposition de certains pays, dont les États-Unis et la Russie, empêche toute réglementation sur ces armes létales autonomes. Glaçant quand on sait qu’en 2017, Vladimir Poutine avait déclaré que « le maître [de l'intelligence artificielle] deviendra le maître du monde »[29]. C’est ce qui fait affirmer à Emilia Javorsky, directrice du programme du Future of Life Institut sur les armes autonomes qu’« il est maintenant manifestement clair que ce forum – dont l'exigence d'unanimité le rend facilement ingouvernable par tout État ayant un intérêt direct – est tout à fait incapable de prendre au sérieux, et encore moins d'aborder de manière significative, les menaces urgentes posées par les technologies émergentes telles que l'intelligence artificielle ». En France, les SALA ont fait l’objet en juillet 2020 d’un rapport d’information de l’Assemblée nationale puis d’un avis du Comité d’éthique de la défense rendu en avril 2021 relatif à l’intégration de l’autonomie des systèmes d’armes létaux qui conclut que ces dernières peuvent être autorisées sous conditions. Des armes létales autonomes ont déjà été utilisées. Ainsi, un document de l’ONU[30] révèle que le drone Kargu-2 de confection turque, avait été utilisé en 2020 par le gouvernement de Tripoli contre les forces du maréchal Khalifa Haftar, et ce, dans le contexte de la deuxième guerre civile libyenne.
Toujours est-il que les drones sont massivement utilisés par les armées, sans pour autant qu’ils soient des robots tueurs.
L'utilisation massive de drones par les armées
La Russie dispose d’une flotte de drones qu’elle utilise dans le cadre de la guerre en Ukraine notamment pour surveiller les militaires et les soldats ukrainiens. Comme de nombreux pays, la France dispose d’une capacité en drones importante. Le Sénat rapporte que les drones tactiques sont utilisés par l’Armée de terre française depuis les années 1990. En 2006, un rapport d’information du Sénat précisait que « le drone tactique constitue un outil de reconnaissance d'un champ de bataille, de ciblage des objectifs, et de guerre électronique. (...) Le premier utilisé en France a été le CL 289, tiré à partir d'une rampe de lancement et disposant d'une autonomie de 30 minutes, pouvant le mener jusqu'à 400 km de son point de départ. Composé d'un propulseur à poudre, relayé par un turboréacteur durant le vol, il est équipé de deux capteurs : une caméra optique pour les missions de jour, fournissant des images en relief, et un analyseur infrarouge qui fournit, jour et nuit, une image vidéo enregistrée ou transmise, en temps réel, à la station de réception au sol. A ces capteurs s'ajoute un senseur radar miniaturisé pouvant observer le champ de bataille par tous temps. Sa mission accomplie, le CL 289 déclenche un parachute qui permet de le récupérer, et de le réutiliser. Ce système de reconnaissance aérienne a été mis au point par l'OTAN ; il est en service en Allemagne, depuis 1990, et en France, depuis 1993. Il est fabriqué par EADS en coopération avec le canadien Bombardier »[31].
Pour autant, selon le rapport « Se préparer à la guerre des drones : un enjeu stratégique », publié en juillet 2021 par la commission de la Défense du Sénat, les équipements de la France en matière de drones sont croissants, mais en-deça des nécessités au regard de l'évolution des usages sur les champs de bataille.
En 2020, 58% des frappes en bande sahélo-saharienne ont été assurées par des drones Reaper, armés depuis fin 2019[32]. Le programme Eurodrone, qui a vocation à remplacer les Reaper à partir de 2028, est "enfin sur les rails" après une longue période de négociations avec les partenaires allemand, espagnol et italien. De plus, la France a accéléré l'acquisition de petits drones, dits de contact, salue le rapport en rappelant que 210 nanodrones Drop et 67 microdrones NX 70 ont été livrés depuis 2019, et que 150 microdrones Anafi de Parrot destinés aux trois armées viennent d'être commandés, avec un objectif de 900 en 2025.
L'enjeu est de taille, au vu de l'importance croissante des drones sur le champ de bataille. Les auteurs du rapport notent que « plusieurs conflits récents, non seulement la guerre au Haut-Karabagh en 2020 mais aussi les combats en Libye en septembre 2019 et la campagne turque dans le nord de la Syrie en mars 2020 ont été marqués par l'utilisation massive de drones tactiques et de petits drones ». Des modes opératoires nouveaux ont été utilisés qui « préfigurent les conflits de demain, où les drones seront omniprésents ». Il convient dans le même temps de faire de la lutte antidrones une priorité, y compris sur le territoire national où le nombre de drones, en majorité civils, est passé de 400 000 en 2017 à 2,5 millions aujourd'hui[33].
La France est loin d’être la seule nation européenne à investir dans des drones. Une note d’analyse du groupe de recherche et d'information sur la paix et la sécurité publiée en mai 2021 révèle que plusieurs pays européens sont en train ou envisagent d’équiper leurs armées en drones armés de type MALE (Moyenne Altitude Longue Endurance). Ces nouvelles armes ne sont pas sans faire polémiques. Elles viennent redéfinir les pratiques militaires et les contours de la guerre telle que nous la connaissons. La note d’analyse constate dans un premier temps que l’UE a apporté son soutien à l’utilisation et à l’acquisition de drones armés, et plus si affinités. Cet appui ne semble pas être le résultat d’une décision institutionnalisée en amont, mais plutôt d’une acceptation de facto devant un fait accompli établi par les États membres. Elle examine ensuite les considérations juridiques et éthiques qui résultent de ce soutien effectif, et qui semblent bien avoir été laissées pour compte d’un hypothétique débat[34].
Les drones représentent ainsi une menace qui « se multiplie, aussi bien en opérations extérieures que sur le territoire national », selon le cabinet de la ministre des Armées Florence Parly de l'époque. Aussi, cette dernière a-t-elle assisté, mercredi 7 juillet 2021, à une démonstration réussie de la destruction en plein vol d'un mini drone au moyen d'une arme qui pourrait s'avérer bien utile à la défense française : un laser[35]. Après les drones, faut-il craindre les soldats augmentés qui sont, aux dires du Général Nicolas Le Nen des soldats « dont les capacités sont augmentées, optimisées, stimulées et créées dans le but d’augmenter son efficacité opérationnelle » ?
La menace des soldats augmentés ?
En décembre 2020, Florence Parly, ministre des Armées d'alors, s’est exprimée sur les enjeux d’éthique liés à l’innovation et plus particulièrement sur la question du « soldat augmenté » lors du Digital Forum Innovation Défense 2020.
La ministre a déclaré lors de son discours : « permettez-moi à ce stade de mettre fin à tout fantasme : ces évolutions dites « invasives » ne sont pas à l’agenda des armées françaises. Mais il nous faut être lucide, tout le monde n’a pas nos scrupules et c’est un futur auquel il nous faut nous préparer. Et l’avis rendu par le comité d’éthique nous y aide : en recherchant les voies et les moyens qui permettent de maintenir notre supériorité opérationnelle, sans nier nos valeurs et en respectant nos engagements internationaux. C’est un avis qui n’est pas gravé dans le marbre et qui sera régulièrement reconsidéré à l’aune des prochaines évolutions. »[36]
À cette occasion, le Comité d’éthique de la défense a publié son avis sur le sujet après l’avoir présenté à la ministre le 18 septembre dernier 2021. Créé à la demande de la ministre des Armées à la fin de l’année 2019, le Comité d’éthique de la défense est chargé d'apporter des éclairages sur les questions éthiques soulevées par les innovations scientifiques, techniques et leurs éventuelles applications militaires. Il est constitué de dix-huit personnalités qualifiées, civiles et militaires, offrant des compétences dans les domaines opérationnels, scientifiques, médicaux, philosophiques, historiques et juridiques.
En substance, le Comité d’éthique de la défense recommande, dans son avis portant sur le soldat augmenté, que chaque technologie d’augmentation soit évaluée par rapport à son impact sur la santé physique et mentale du militaire, avec une analyse bénéfice/risque. Il préconise également de fixer comme principe le consentement du militaire, avec une information préalable sur les risques induits. Il souligne la nécessité de l’accompagnement du service de santé des Armées durant tout le cycle de vie d’une augmentation et la recherche d’une réversibilité. Le Comité d’éthique propose de s’interdire toute augmentation qui serait de nature à diminuer la maîtrise de l’emploi de la force, porterait atteinte au libre arbitre, ou serait contraire au respect du principe de la dignité de la personne humaine. Un impératif cependant consiste à « ne pas inhiber la recherche sur le soldat augmenté, comme dans le domaine de l’innovation de défense en général ». En définitive, comme le souligne Grégoire Loiseau, Professeur de droit à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, «(l'homme augmenté est une réalisation en cours. L'avis du comité d'éthique de la défense portant sur le soldat augmenté officialise cette réalisation tout en la cautionnant. Sans doute, les conclusions du comité n'expriment une position que dans le périmètre de sa consultation, l'état militaire et les missions des forces armées. Tout n'est pas en outre indistinctement praticable : le comité émet des réserves, signale des précautions à prendre et identifie des lignes rouges à ne pas franchir. Mais, dans l'ensemble, les éléments de cadrage sont conçus dans un esprit d'utilité objective, axiologiquement neutre. On ne peut alors ne pas voir que les orientations profilées ont un horizon plus vaste qui est celui de l'augmentation de l'être humain »[37].
Dans un article publié dans The Conservation en octobre 2021, Christine Dugoin-Clément, membre associé au laboratoire de Recherche IAE de Paris - Sorbonne Business School au sein de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne soutient ainsi que «si tous les projets qui augmentent les capacités humaines n’aboutiront pas, loin s’en faut, ils ne relèvent plus de la seule science-fiction et soulèvent de nombreuses interrogations. L’une d’elles porte sur l’encadrement international de la technologie militaire, à savoir le droit des conflits armés et les droits de l’homme. Il appartiendra au législateur de définir les droits de ces individus et leur responsabilité pour les actions qu’ils entreprennent munis de ces équipements. En termes de R&D, ces évolutions orienteront les activités d’une recherche qui deviendra prioritaire et devra s’adapter en fonction des besoins et des exigences futurs. Dans tous les cas, ces recherches devront être particulièrement scrutées au regard des normes de l’éthique biomédicale, notamment en ce qui concerne les expérimentations sur des sujets humains déjà visées par le Code de Nuremberg, la Déclaration d’Helsinki ou encore la loi Huriet en France. Ces enjeux sont tout particulièrement importants alors que plusieurs pays s’engagent résolument dans cette voie : en témoignent la mise en œuvre par le Royaume-Uni de son projet Advanced Research and Invention Agency(Aria), le rapport du Comité d’éthique sur le soldat augmenté, le programme Safe Genes de la Defense Advanced Research Projects Agency américaine (DARPA) ou encore les suspicions qui pèsent sur la Chine, soupçonnée de procéder à des expérimentations humaines pour créer des soldats biologiquement améliorés. Mais outre ces sujets de première importance, l’impact des améliorations neurales et physiques humaines est encore plus vaste : il porte également en lui des conséquences pour l’armée qui risque de devoir adapter ses valeurs et son identité à ces révolutions technologiques »[38].
D’autres inquiétudes éthiques sont relevées par Inès Evrain, journaliste et membre de l’association Sorbonne pour l'Organisation des Nations Unies. Elle souligne en effet que « malgré les nombreuses possibilités qu’offre la technologie, la progression du soldat augmenté se heurte à ses limites éthiques. Jusqu’où peut-on aller dans l’augmentation des capacités humaines ? Jusqu’où ces augmentations sont-elles acceptables, d’un point de vue éthique, mais aussi sociologique et juridique ? Autant de questions qui divisent. Dès lors que l’humanité d’un soldat est le fondement même de sa légitimité à porter les armes du pays qu’il sert, au nom de ses concitoyens, où trouve-t-il cette légitimité s’il n’est plus considéré comme un homme ? Comment faire lorsqu’un « soldat augmenté » se retrouve dans une situation d’opération où il doit interagir avec la population et où la violence doit être maîtrisée ?»[39]
Une chose est certaine : la pratique du soldat augmenté va continuer à faire couler beaucoup d’encre…
[1] LATOUR Bruno, “Quelles entre-deux-guerres ?”, AOC, 3 mars 2022, https://aoc.media/opinion/2022/03/02/quelles-entre-deux-guerres/. Voir également : Les 80 secondes, “Rapport du GIEC, guerre en Ukraine... Bruno Latour, doublement angoissé par le monde”, France Inter, 7 mars 2022, https://www.franceinter.fr/emissions/les-80/les-80-de-nicolas-demorand-du-lundi-07-mars-2022.
[2] LATOUR Bruno, op. cit.
[3] Ibid.
[4] Ibid.
[5] IPCC, Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability, second part of the Sixth Assessment Report, février 2022, https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-ii/.
[6] LAGARDÈRE Marion, “Devant ses collègues du Giec, l’Ukrainienne Svitlana Krakovska alerte sur le lien entre le réchauffement climatique et la guerre, France Info, mars 2022, https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/l-etoile-du-jour/devant-ses-collegues-du-giec-lukrainienne-svitlana-krakovska-alerte-sur-le-lien-entre-le-rechauffement-climatique-et-la-guerre_4964868.html. Dans le même sens : FOUCART STéphane, « Notre addiction aux énergies fossiles nourrit le réchauffement climatique et finance la guerre qui nous menace », Le Monde, mars 2022,
[7] LAGARDÈRE Marion, op. cit.
[8] Independent report commissioned by the G7 members Submitted under the German G7 Presidency, “A New Climate for Peace: Taking Action on Climate and Fragility Risks”, 2015, https://climate-diplomacy.org/magazine/conflict/new-climate-peace.
[9] THIBERGE Clémentine, “Le climat, nouvelle donne pour penser les guerres de demain”, Le Monde, juin 2019, https://www.lemonde.fr/international/article/2019/06/03/le-climat-nouvelle-donne-pour-penser-les-guerres-de-demain_5470925_3210.html
[10] CICR, Quand la pluie devient poussière – Comprendre et atténuer les effets conjugués des conflits armés et de la crise climatique et environnementale sur la vie quotidienne des personnes touchées, juillet 2020, https://shop.icrc.org/when-rain-turns-to-dust-pdf-en-1.html
[11] CICR, “7 choses à savoir sur le changement climatique et les conflits”, article, juillet 2020, https://www.icrc.org/fr/document/7-choses-savoir-sur-le-changemewnt-climatique-et-les-conflits.
[12] NUGENT Ciara, “A Ukrainian Climate Scientist is Uniquely Positioned to Explain the Real Threat to the Global Order”, Times, mars 2022, https://time.com/6152889/ukraine-russia-climate-ipcc-report/.
[13] ROCHFELD Judith, Justice pour le climat ! Les nouvelles formes de mobilisation citoyenne, Odile Jacob, 2019, 201 p.
[14] COURRIER INTERNATIONAL, “Guerre en Ukraine.La Russie renforce son arsenal législatif contre les “fake news””, Mars 2022, https://www.courrierinternational.com/article/guerre-en-ukraine-la-russie-renforce-son-arsenal-legislatif-contre-les-fake-news.
[15] CULLIFORD Elizabeth et VENGATTIL Munsif, “Facebook allows war posts urging violence against Russian invaders”, Reuters, mars 2022, https://www.reuters.com/world/europe/exclusive-facebook-instagram-temporarily-allow-calls-violence-against-russians-2022-03-10/.
[16] TREVELYAN Mark, “Facebook owner defends policy on calls for violence that angered Russia”, Reuters, mars 2022,https://www.reuters.com/world/kremlin-says-meta-would-have-cease-work-russia-if-reuters-report-is-true-2022-03-11/.
[17] THE GUARDIAN, “Twitter removes Russian embassy tweet on Mariupol bombing”, mars 2022,https://www.theguardian.com/world/2022/mar/10/twitter-removes-russian-embassy-tweet-on-mariupol-bombing.
[18] Tweets de Youtube du 11 mars 2022: https://twitter.com/YouTubeInsider/status/1502335085122666500.
[19] LE ROBERT EN LIGNE, déf. du terme cyberguerre : https://dictionnaire.lerobert.com/definition/cyberguerre
[20] DONT Barthélemy, “Aux origines de la cyberguerre”, Korii, août 2018, https://korii.slate.fr/tech/histoire-cyberguerre-etats-unis-iran-russie-ukraine-hackers-attaque-informatique.
[21] BAROTTE Nicolas et KERBOUR Tom, “La cyberguerre fait rage entre la Russie et l’Ukraine”, Le Figaro, mars 2022, https://www.lefigaro.fr/international/la-cyberguerre-fait-rage-entre-la-russie-et-l-ukraine-20220301.
[22] CERT-FR, RAPPORT MENACES ET INCIDENTS DU CERT-FR, CERTFR-2022-CTI-001, mars 2022, https://cert.ssi.gouv.fr/cti/CERTFR-2022-CTI-001/.
[23] Ibid.
[24] BEMBARON Elsa, “Les cyberattaques russes font leurs premières victimes en France”, Le Figaro, février 2022, https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/les-telecoms-victimes-de-cyberattaques-russes-20220228.
[25] AGENCE POUR L’INNOVATION DE DEFENSE : https://www.defense.gouv.fr/aid
[26] MENECEUR Yannick, L'intelligence artificielle en procès - Plaidoyer pour une réglementation internationale et européenne, Bruylant, 2020, spéc. p. 208.
[27] Ibid.
[28] ONU Info, A Genève, l’ONU débat de la réglementation des systèmes d’armes létales autonomes dits « robots tueurs », avril 2018, https://news.un.org/fr/story/2018/04/1010701
[29] JOURNAL DU GEEK, “Le boss de l’intelligence artificielle sera le maitre du monde, selon Vladimir Poutine”, septembre 2017, https://www.journaldugeek.com/2017/09/05/intelligence-artificielle-poutine/.
[30] CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU, Lettre datée du 8 mars 2021, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts sur la Libye créé par la résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité, S/2021/229.
[31] Rapport d'information intitulé “Le rôle des drones dans les armées, n° 215 (2005-2006) de M. Philippe NOGRIX et Mme Maryse BERGÉ-LAVIGNE, fait au nom de la commission des affaires étrangères, déposé le 22 février 2006, https://www.senat.fr/rap/r05-215/r05-2152.html
[32] COGNARD Franck, La France réalise son premier tir de drone armé au Sahel : "Plus besoin d'attendre le soutien de l'aviation, nous pourrons traiter directement une cible fugace", France info, décembre 2019, https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/premiere-frappe-d-un-drone-francais-au-sahel_3749909.html
[33] FRANCE INTER, “La France est-elle assez armée en drones ? Les sénateurs en doutent”, France inter, juillet 2021, https://www.franceinter.fr/monde/la-france-est-elle-assez-armee-en-drones-les-senateurs-en-doutent
[34] GROUPE DE RECHERCHE ET D’INFORMATION SUR LA PAIX ET LA SÉCURITÉ, “Utilisation des drones armés par des États de l’UE : enjeux politiques, juridiques et éthiques”, note d’analyse, mai 2022, https://grip.org/wp-content/uploads/2021/04/NA_2021-05-19_FR_SJ-drones-armes-RW.pdf
[35] 6MEDIA, “La nouvelle arme sur laquelle compte l’armée française pour se débarrasser des drones ennemis”, Capital, juillet 2021,https://www.capital.fr/economie-politique/la-nouvelle-arme-sur-laquelle-compte-larmee-francaise-pour-se-debarrasser-des-drones-ennemis-1408833
[36] Discours de Florence Parly, table-ronde « Éthique et soldat augmenté » du Digital Forum innovation défense, décembre 2020.
[37] LOISEAU Grégoire, “Le soldat augmenté”,La Semaine Juridique Edition Générale n° 3, 18 Janvier 2021, doctr. 65.
[38] DUGOIN-CLÉMENT Christine, "Armes autonomes et soldats augmentés : quel impact sur les valeurs des armées”, The conversation, septembre 2022, https://theconversation.com/armes-autonomes-et-soldats-augmentes-quel-impact-sur-les-valeurs-des-armees-168295
[39] EVRAIN Inès, “Le « soldat augmenté » : quelles limites à un mythe devenu réalité ?”, février 2021, SONU, http://www.isd.sorbonneonu.fr/blog/le-soldat-augmente-quelles-limites-a-un-mythe-devenu-realite/.