Un humain travaillant avec une intelligence artificielle - style Basquiat (image générée avec Dall-E)
Un humain travaillant avec une intelligence artificielle - style Basquiat (image générée avec Dall-E)
Regard sur

Les diplômés en sciences humaines : des talents indispensables pour le développement des systèmes d’intelligence artificielle

Les technologies intégrant l’intelligence artificielle vont profondément remodeler le marché du travail tel que nous le connaissons. Les systèmes d’IA entraîneront sans aucun doute une révolution schumpeterienne autrement dit une "destruction créatrice" engendrant la disparition de certains emplois et la création de nouveaux métiers. Pourtant, contrairement à une idée reçue, le développement des systèmes d’intelligence artificielle n’est pas l’apanage des diplômés en sciences dites dures. Les débouchés professionnels et les besoins socio-économiques sont et seront aussi nombreux pour les diplômés en sciences humaines et sociales. Il est donc nécessaire de créer de nouvelles formations à l’intersection entre les sciences humaines et sociales, notamment dans le cadre de l’Appel à Manifestation d'intérêt "Compétences et métiers d’avenir".

Le développement des systèmes d’intelligence artificielle : le mythe de la fin du travail ?

Des diagnostics médicaux aux rédactions d’articles médiatiques en passant par les véhicules autonomes, les systèmes d’intelligence artificielle (SIA) entraînent des transformations radicales de l’ensemble des secteurs.

Les progrès fulgurants de ChatGPT ont fait resurgir des prévisions alarmistes sur l’employabilité. Deux économistes de Goldman Sachs affirment, dans une étude publiée en mars 2023, que près des deux tiers des emplois actuels sont exposés à un certain degré d’automatisation, et que l’intelligence artificielle générative seule pourrait remplacer jusqu’à un quart de ces emplois[1]. Cette étude circule largement sur les réseaux et n’est pas sans rappeler une étude publiée dix ans auparavant qui avait été reprise par les cabinets et les médias du monde entier sans distance critique. Dans l’article “The Future of Employment : How Susceptible Are Jobs to Computerisation[2] publié en 2013, les chercheurs de l’Université d’Oxford, Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, avaient estimé que près de la moitié des actifs se trouvaient dans un secteur à haut risque de chômage et que leurs emplois pourraient être remplacés par des robots ou machines « intelligentes » dans un délai de dix à vingt ans. L'économiste et chercheur à l'Université d’Oxford Daniel Susskind annonce quant à lui, dans un récent ouvrage intitulé « Un monde sans travail - Comment les nouvelles technologies et l’intelligence artificielle reconfigurent le marché du travail »[3], la raréfaction du travail. Face à la menace du chômage technologique et des inégalités que risquent d’engendrer les progrès de l’intelligence artificielle, celui-ci encourage les États à prendre des mesures politiques fortes impliquant la redistribution des richesses et la limitation du pouvoir des grandes entreprises du numérique. Cet ouvrage n’est pas sans rappeler celui de l'économiste Jérémy Rifkin intitulé « La fin du travail »[4] publié en 1997 et qui augurait que les sociétés post-industrielles pourront continuer à produire plus avec moins de travail.

Les chercheurs Patricia Vendramin et Gérard Valenduc estiment, quant à eux, dans une note de l’Institut Syndical européen publié en mars 2019 et intitulée « La fin du travail n’est pas pour demain », que ces prévisions portent « la marque d’un optimisme technologique assez naïf et font l’impasse sur les dimensions sociétales de la diffusion des innovations. De plus, elles révèlent une conception simpliste du travail. Celui-ci ne se réduit pas à un assemblage de tâches plus ou moins remplaçables par des machines intelligentes. Il est le fruit de choix organisationnels et de rapports de forces. Il est en outre porteur d’intégration et de reconnaissance sociale. Penser le travail de demain, c’est aussi penser sa signification individuelle et collective. Finalement, plutôt que de remplacer le travail, la technologie déplace les emplois : non seulement entre les maillons successifs des chaînes de valeur, mais aussi entre les métiers et entre les différents statuts du travail. Ce n’est pas la fin du travail qui est en jeu mais l’érosion de la relation d’emploi »[5].

Par ailleurs, l'économiste Patrick Verley a défendu dès 2015 dans la revue Marché et organisations la réduction de penser l’évolution des technologies comme la seule source de transformation de nos métiers[6]. Il défend notamment la thèse selon laquelle il est réducteur de considérer un facteur technologique qui impacterait sans distinction tous les autres niveaux de l’économie et de la société. Ainsi, les métiers actuels seront transformés par les évolutions des systèmes d'intelligence artificielle, mais aussi par leur adoption plus ou moins rapide, les conditions de cette adoption, le coût associé (financier, environnemental, sociétal), la capacité à les utiliser avec un niveau plus ou moins élevé d’expertise, leur diffusion géographique.

Il est intéressant de remarquer que les avancées technologiques ont porté des questionnements relativement similaires à travers les siècles. Elles n’ont eu de cesse de transformer les métiers. Ainsi, « prenons l’exemple de l’accès à l’information :

  • La radio, puis la télévision hertzienne ont tout d’abord amené l’information en temps réel au coeur de tous les foyers – sur une échelle de temps de quasiment un siècle (1840-1950) ;
  • Puis l’internet – en plusieurs vagues, jusqu’à l’internet haut débit – a permis de toucher un public de plus en plus large et de démocratiser le personal computer (1980-2000) ;
  • Les réseaux sociaux nous ont ensuite appris à communiquer différemment et ont vu l’émergence de la désinformation à grande échelle (2000-2010) ;
  • Plus récemment, les smartphones ont ouvert la voie de l’accès à l’information “partout, tout le temps et par tous”, avec cette particularité inédite de ne requérir aucun niveau préalable d’expertise – ce sont d’ailleurs les premiers équipements électroniques complexes à être commercialisés sans notice (2010-2020) ;
  • Enfin, la pandémie de COVID-19 a ouvert la voie au télétravail généralisé et – dans sa conception la plus extrême – aux interactions dans le métaverse (2020-aujourd’hui) »[7].

Le développement des systèmes d’IA et leur impact sur les métiers implique une action des pouvoirs publics. En 2018, le rapport du député et mathématicien Cédric Villani intitulé « Donner un sens à l’intelligence artificielle » prenait acte de la reconnaissance de la transformation d’ampleur en cours reposant sur la distribution entre le travail humain et celui de la machine au sein des modes de production. Le rapport préconisait que la France se dote des moyens nécessaires pour anticiper et préparer cette transition afin de développer les moyens d’une complémentarité riche entre le travail humain et l’activité de la machine. Ce rapport proposait trois actions majeurs[8] :

  • Créer un Lab public de la transformation du travail destiné à animer la réflexion autour des mutations du travail à l’heure de l’automatisation et à expérimenter des dispositifs visant à accompagner la transition professionnelle, notamment à destination des populations potentiellement les plus touchées par l’automatisation. Le ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion et l’Institut national de recherche en informatique et en automatique ont mis en place le LaborIA, un laboratoire de recherche dédiée à l’intelligence artificielle en novembre 2021[9]. Le laboratoire a récemment publié les premiers résultats d’une enquête qualitative sur le déploiement de l’IA dans les organisations[10]. Elle a notamment mis en évidence que les systèmes d’IA décrits par les répondants sont globalement matures, c’est-à-dire déjà déployés et utilisés, en particulier dans le secteur industriel. Les SIA sont généralement mis en place au motif de la réduction du risque d’erreur (pour 85 % des répondants), de l’amélioration de performance des salariés (75 %) et de la réduction des tâches fastidieuses (74 %). On note également que les répondants déclarent fréquemment utiliser des systèmes d’IA pour garantir la sécurité des salariés, en particulier dans l’industrie. Davantage que le coût de développement, le manque de compétences en interne (37 %) et la compatibilité avec les outils existants (38 %) sont identifiés comme les principaux obstacles au déploiement de SIA. Le ressenti d’impact positif de l’IA est bien plus élevé chez les répondants qui utilisent l’IA (90 %) que chez ceux qui ne l’utilisent pas (48 %). Les résultats montrent que les systèmes d’IA ont des effets sur l’ensemble des dimensions du travail, telles que le sens, l’autonomie, la responsabilisation des salariés, les relations sociales, mais aussi et surtout sur l’évolution des compétences et des savoir-faire (pour près de 70 % des répondants).
  • Penser la complémentarité humain/machine : pour améliorer les conditions de travail de demain, le rapport Villani préconisait de s’appuyer sur le développement d’un « indice de bonne complémentarité » à destination des entreprises, mais aussi l’intégration pleine et entière de la transformation numérique dans le dialogue social. Elle pourrait enfin conduire à lancer un chantier législatif sur les conditions de travail à l’heure de l’automatisation.
  • Expérimenter de nouveaux modes de financement de la formation professionnelle afin de tenir compte de la mutation des chaînes de valeur induite par l’IA. À l’heure actuelle, les entreprises financent la formation professionnelle de leurs propres salariés. Or, pour leur transformation numérique, elles ont souvent recours à d’autres acteurs, qui captent beaucoup de valeur, qui jouent un rôle important dans l’automatisation des tâches, mais qui ne participent pas au financement de la formation professionnelle des salariés. Il est donc nécessaire, via le dialogue social, d’expérimenter de nouveaux modes de financement. Il s’agit d’ailleurs de l’une des ambitions de l’appel à manifestation d’intérêt « Compétences et métiers d’avenir », plus particulièrement dans le cadre de la deuxième relève axée sur l’intelligence artificielle (IA). Cet appel à manifestation d’intérêt s’inscrit dans le plan France 2030 et vise à répondre aux besoins du monde socio-économique en matière de formation à de nouvelles compétences nécessaires pour exercer les métiers de demain.

Les débouchés professionnels et les besoins socio-économiques pour le développement de l’intelligence artificielle

Bien que la stratégie nationale relève principalement des sciences dites dures, les nouveaux métiers de demain en intelligence artificielle nécessitent des compétences et des connaissances issues des sciences humaines et sociales. 

Une stratégie nationale principalement tournée vers les sciences dites dures

L’IA : une priorité croissante des pouvoirs publics. Depuis 2017, de nombreux États ont adopté des plans nationaux pour encourager le développement des systèmes d’intelligence artificielle. La France a été l’un des premiers pays mondiaux à se doter d’une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA) : celle-ci a été lancée en mars 2018.

Initialement dotée de 1 527 M€ de financements publics pour la période 2018-2022, elle a été suivie, en novembre 2021, par une nouvelle phase dite d’« accélération » annoncée pour la période 2022-2025 afin de renforcer la compétitivité et l’attractivité de la France dans ce domaine. Dans un rapport publié en mars 2023[11], la Cour des comptes a évalué in itinere la SNIA et plus particulièrement les volets « recherche » et « enseignement supérieur », soit les principaux volets en matière de financement. En effet, dans un premier temps, la stratégie française a donné la priorité à la recherche en IA. Outre les 30 % des financements qui lui étaient alloués pour la période 2018- 2022, la recherche a ainsi fait l’objet d’un plan spécifique, la SNRIA, dont la coordination a été confiée à l’Inria. Depuis son lancement, la majorité des mesures prévues dans le cadre de la SNRIA a été mise en œuvre. En formalisant une stratégie, les pouvoirs publics ont donné un signal politique fort sur l’importance de l’IA pour la recherche française. La Cour constate cependant que l’efficacité de la stratégie n’est pas avérée. Sur la période analysée, en nombre de publications en IA et sur un total de 47 pays comparés, la France conserve difficilement une place au dixième rang à l’échelle mondiale, et se maintient au second rang au niveau européen. La Cour des comptes recommande donc que les financements mobilisés soient davantage suivis. Sur le volet recherche, 554,6 M€ ont in fine été engagés sur la période 2018-2022. Enfin, dans une perspective d’attractivité des talents, certains outils de financement gagneraient à être pérennisés.

Les principales recommandations de la Cour des comptes sur la stratégie nationale de l’IA. Un écosystème d’excellence dont la pérennité doit être garantie. L’orientation principale de la stratégie consiste en la constitution de pôles d’excellence en IA, via la labellisation d’instituts interdisciplinaires en IA (3IA), la mise en place de chaires individuelles, puis l’identification de centres d’excellence en dehors des instituts 3IA. La Cour des comptes recommande que les synergies entre centres d’excellence soient renforcées, en s’inscrivant notamment dans une démarche plus systématique de valorisation réciproque de leurs travaux. Cela contribuerait à améliorer leur visibilité, tant au niveau national qu’international, ainsi que l’image de marque de la France pour attirer des talents étrangers. En parallèle, la Cour des comptes affirme la nécessité d’une clarification des missions des centres d’excellence 3IA et hors 3IA. Celle-ci doit  s’accompagner d’une révision de la temporalité des financements alloués aux instituts labellisés (actuellement de quatre ans), qui repose sur une logique de trop court terme pour permettre des effets de leviers. De plus, la Cour relève que si la stratégie a donné un signal fort pour favoriser la visibilité des formations pour les jeunes talents, il importe désormais de pérenniser les financements nécessaires à cette dynamique. L’évaluation montre que la SNRIA a permis une structuration des acteurs de la recherche en IA, alors que l’IA n’était pas identifiée comme discipline en tant que telle, même si elle doit encore gagner en maturité. Pour l’améliorer, la Cour des comptes affirme l'urgence de procéder à une adaptation de la gouvernance et du pilotage de la stratégie notamment afin de construire une vision commune et globale de l’action publique en IA, alors que les mesures décidées en ce domaine restent dispersées au sein de plusieurs politiques publiques.

La Cour des comptes se positionne pour une stratégie d’accélération axée sur une recherche en intelligence artificielle frugale, de confiance et européenne. Si la stratégie nationale de recherche n’a pas encore permis de renforcer la position de la France au niveau mondial, le premier volet a permis d’éviter un décrochage scientifique depuis 2018. Le second volet est à présent déterminant pour enfin améliorer le positionnement de la France en IA dans la compétition mondiale. Cette « stratégie d’accélération en IA » est recentrée sur l’objectif de formation des talents - priorité jusqu’ici peu prise en compte. Les financements totaux consacrés à cette priorité s’élèvent à 776 M€. Cependant, le nombre actuellement limité de formateurs publics de haut niveau pourrait contrarier les ambitions affichées. Ainsi, l’approche française gagnerait à s’intégrer encore davantage dans l’approche européenne via divers programmes de soutien comme « Horizon Europe » et « pour une Europe numérique ». La confiance – le fait qu’une IA se caractérise par son interprétabilité, son explicabilité, sa transparence et une identité « responsable – et la frugalité – le fait qu’elle soit durable et respectueuse de l’environnement – sont ainsi deux des quatre axes structurants du programme et équipements prioritaires de recherche (PEPR) de 73 M€ adossé à la stratégie d’accélération. Enfin, la Cour note que, sur le volet recherche, les priorités sont recentrées dans cette seconde phase sur l’attractivité des talents et la prise en compte d’enjeux sociétaux, tels que la confiance dans l’IA et la frugalité dans son utilisation.

La ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Sylvie Retailleau, a annoncé le 3 mai 2023 que le fonctionnement des 3IA allait être reconduit et que la logique allait être étendue à d’autres pôles d’excellence pour former, diffuser, faire de la recherche et attirer des talents dans l’IA en particulier. Plus de 500 M€ dans le cadre de Compétences et métiers d’avenir qui vont être « dédiés » à ces centres 3IA élargis et en particulier à des formations à tous niveaux : techniciens, ingénieurs, doctorat pour augmenter les formations initiale et continue[12].

De nouveaux métiers qui nécessiteront les sciences humaines et sociales

Des métiers d’avenir bouleversés par l’IA à la fois en sciences dures et en sciences humaines et sociales. L’ère de l’intelligence artificielle est une nouvelle révolution industrielle qui opère des changements conséquents concernant l’avenir du travail. Selon une étude de cas de l’OCDE sur l’avenir du travail datant de 2022[13], les systèmes d’intelligence artificielle vont générer des emplois nouveaux. Ainsi, le Forum économique mondial a prédit que 97 millions de nouveaux emplois seront créés d’ici 2025 et que les humains devront davantage travailler avec les machines[14]. Cette tendance mondiale devrait s’observer en France. D’ici à 2030, France Stratégie a estimé que les métiers du secteur numérique resteront très dynamiques avec une croissance de la valeur ajoutée de 2% par an en moyenne et 600 000 emplois supplémentaires sur la même période[15]. Cependant, la pénurie de talents dans les métiers du numérique constitue l’un des principaux freins au développement économique de la France. L’institut Montaigne constate qu’en 2022, près de 10% de ces emplois n’étaient ainsi pas pourvus. Or, avec une croissance de plus de 6 % par an du nombre d’emplois dans le secteur entre 2018 et 2021 - soit près de trois fois plus que la moyenne - ce problème risque de devenir structurel. Pour y faire face, l’Institut Montaigne estime que 845 000 personnes doivent être formées entre 2023 et 2030 ; et au moins 130 000 personnes par an en 2030[16].

Ces emplois sont soit entièrement nouveaux, directement liés au développement, au maintien et à l’utilisation des technologies, soit créés sous l’effet de la hausse de la productivité, des salaires et, dans certaines conditions, de la demande de biens et services induite par les technologies. Cette évolution nécessite de relever un défi important : celui de former les professionnels afin de leur permettre de tirer parti de ces nouvelles opportunités. Cela implique que les travailleurs vont devoir se former, se requalifier ou se perfectionner pour s’adapter aux changements induits par l’intelligence artificielle sur le marché du travail. C’est la raison pour laquelle, en 2020, le Forum économique mondial avait estimé qu’au cours des cinq prochaines années, la moitié de l’ensemble des employés aura besoin d’un perfectionnement ou d’une reconversion[17].

L’introduction des technologies d’IA modifie également les types de compétences dont les travailleurs auront besoin. En effet, d’après une étude du World Economic Forum publiée en 2020 et intitulée “The Future of Jobs Report[18], les groupes de compétences que les employeurs considèrent comme les plus importants d'ici à 2025 comprennent notamment la pensée et l’analyse critique ou encore l'apprentissage actif, la résilience et la flexibilité. Huit de ces dix principales compétences professionnelles sont ancrées dans les sciences humaines et sociales. Selon un rapport de France stratégie  intitulé « Intelligence artificielle et travail » publié en 2018, les compétences transversales comme la capacité à communiquer avec les autres et à influencer les décisions, la capacité à transférer des compétences et des savoir-faire organisationnels, la capacité à gérer les aléas prendront plus d’importance avec les déploiements de l’IA[19].

En définitive, les métiers d’avenir en intelligence artificielle requièrent des compétences et des connaissances mêlant sciences humaines et sociales et sciences dures. En effet, les professionnels formés en sciences dures devront acquérir des compétences dispensées par les sciences humaines et sociales. Inversement, les professionnels formés en sciences humaines et sociales devront être en capacité de comprendre le fonctionnement et l'utilisation des systèmes d’intelligence artificielle qui s'immiscent dans tous les pans de notre société et de notre économie.     

Former aux métiers de demain encore non existants autour d’enjeux stratégiques du plan France 2030. D’après une étude publiée par Dell et l’Institut pour le futur relayée par Pôle Emploi[20], 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore. L’intelligence artificielle ou la robotique vont non seulement transformer en profondeur les métiers existants, mais en créer de nouveaux, dont on peine encore à dessiner les contours, comme les éthiciens ou les psydesigners. On peut estimer que les métiers visés seront en lien avec la mise en conformité et le respect du cadre légal (nationales, européennes), la stratégie d’entreprise, la représentation du personnel, l’éthique opérationnelle, la gestion des projets, la recherche ou encore l'adaptation des métiers.

Deux exemples de métiers d’avenir : l’AI Compliance Officer et le géographe

Le futur règlement sur la législation sur l’intelligence artificielle[21] implique un certain nombre d’exigences applicables aux systèmes d’IA qui feront l’objet d’une vérification dans le cadre des procédures d’évaluation de la conformité. Le responsable de la conformité de l'intelligence artificielle (AI Compliance Officer) est un professionnel chargé de vérifier la conformité des systèmes d'IA conformément aux exigences définies par le droit de l'UE mais également leurs impacts sur les droits et libertés fondamentaux des employés et des utilisateurs.

Comme souligné par l’Institut national de l'information géographique et forestière[22], les techniques d’intelligence artificielle (IA) ont bouleversé les cœurs de métiers de la géographie (télédétection, localisation, cartographie…). Les systèmes d’intelligence artificielle jouent désormais un rôle incontournable dans ces descriptions fines et régulières du territoire. En effet, la puissance des méthodes d’apprentissage profond (deep learning) permet d’ores et déjà de reconnaître automatiquement des objets (bâtiment, arbre, surface de bitume…) contributifs des classes d’occupation des sols sur des images aériennes ou spatiales. Les futurs géographes et géomètres devront donc être en mesure de maîtriser les systèmes d’IA. 

La nécessité de créer de nouvelles formations mêlant intelligence artificielle et sciences humaines et sociales

La rareté des formations mêlant intelligence artificielle et sciences humaines et sociales au niveau national. On constate encore peu de formations mêlant les enjeux d’intelligence artificielle et de sciences humaines et sociales. Au niveau français, certains masters de sciences dures relatifs à l’intelligence artificielle ou formations proposées par diverses écoles d’ingénieurs disposent de cours en sciences humaines et sociales. Cela étant, la réciproque est moins vraie et les formations en sciences humaines et sociales tardent à intégrer les enjeux relatifs à l'intelligence artificielle. Ce manque d’attractivité est dommageable pour l'enseignement supérieur français dans la mesure où émergent en Europe et outre-Atlantique des formations visant à former des professionnels pour travailler avec les systèmes d'intelligence artificielle dans leurs domaines d’activité ou encore pour s’assurer que les systèmes d’IA utilisés soient sûrs, transparents, éthiques, impartiaux et sous contrôle humain.

S’inspirer : MIT Stephen A. Schwarzman College of Computing

La mission du MIT Stephen A. Schwarzman College of Computing dont la structure organisationnelle initiale est en vigueur depuis janvier 2020 et prochainement doté d’un nouveau campus en 2023 est de répondre aux opportunités et aux défis de l'ère informatique - du matériel aux logiciels en passant par les algorithmes et l'intelligence artificielle - en transformant les capacités du monde universitaire dans trois domaines clés :

  • les domaines informatiques afin de soutenir la croissance et l'évolution rapides de l'informatique et des domaines informatiques de domaines connexes tels que le génie électrique, comme en témoigne notamment l'essor de l'intelligence artificielle ;
  • l'informatique interdisciplinaire pour faciliter la recherche productive et les collaborations pédagogiques entre l'informatique et d'autres domaines, plutôt que de mettre un domaine au service d'un autre ;
  • les aspects sociaux et éthiques du numérique afin de diriger le développement et les changements dans la recherche et l'enseignement universitaires, et informer efficacement les pratiques et les politiques de l'industrie et du gouvernement.

Ce nouveau collège du MIT a été créé non seulement pour offrir les dernières avancées en informatique et en IA, mais aussi pour faire découvrir la puissance de l'informatique et de l'intelligence artificielle dans tous les domaines d'études sur le campus, tout en veillant à ce que l'avenir du numérique soit façonné par les connaissances d'autres disciplines. Il s’agit de former les étudiants de toutes les disciplines pour qu'ils soient « bilingues », afin qu'ils puissent utiliser et développer de manière responsable les technologies numériques. Pour ce faire, cinquante professeurs situés à la fois au sein du collège et partagés avec d'autres départements universitaires du MIT ont été recrutés. Ce nouveau collège devrait donc fournir une structure pour l'éducation, la recherche et l'innovation collaboratives en informatique dans toutes les écoles du MIT et transformer l'éducation et la recherche en considérations sociétales, de politique publique et éthiques liées à l'informatique.

S’inspirer : Human-Centred AI Master's

Le consortium HCAIM a entrepris de créer un programme de master intitulé “Human-Centred AI Master's” offrant un cursus intégré éthique, technique et pratique pour comprendre la construction de modèles d'IA, leur réalisation à l'échelle industrielle et l'évaluation de leur efficacité à long terme. Le consortium HCAIM se compose de trois centres d'excellence, trois PME et quatre universités. Le partenariat rassemble des professionnels du monde universitaire et des entreprises ayant un intérêt considérable pour les aspects éthiques et centrés sur l'humain de l'IA.

Le consortium HCAIM crée des supports pédagogiques uniques qui seront utilisés de manière cohérente dans les instituts partenaires, facilitant la libre circulation des idées de projets et des étudiants entre les pays participants. Les actions Erasmus à court terme du programme devraient aider les étudiants à échanger des idées et des connaissances et à se connecter. Néanmoins, les programmes diffèrent dans une certaine mesure dans les universités participantes en raison de leurs traditions, ressources et environnements juridiques et culturels respectifs. La gamme variée de cours au choix permet aux étudiants de créer leur propre portefeuille HCAIM personnalisé en fonction de leurs intérêts dans divers domaines.

Les diplômés du programme seront des professionnels hautement qualifiés dotés de capacités techniques avancées, mais également de connaissances et compétences en éthique bien développées liées au développement et à l'application de l'IA dans des contextes réels.

Acculturer largement au fonctionnement et à l’utilisation des systèmes d’IA

Des citoyens de demain disposant de compétences sur les systèmes d’IA. Comme indiqué dans la récente étude du Conseil d’État relative à l'intelligence artificielle[23], le rehaussement du niveau général de compréhension du fonctionnement des systèmes d’IA doit constituer un axe prioritaire de la stratégie nationale sur l’intelligence artificielle, et poursuivre deux objectifs.

Le premier est de favoriser une compréhension suffisante de ce qu’est l’IA, de ce qu’elle n’est pas, ce qu’elle permet de faire et ce qu’elle ne permet pas de faire, en remettant le sujet à sa juste place, sans se retrancher derrière la complexité technique d’un sujet qui ne saurait rester confiné aux cénacles scientifiques. Le Conseil d’État précise qu’« au catéchisme de l’IA, il faut en préférer la pédagogie, exemples à l’appui », ce qui pourrait être réalisé par une offre de cours en ligne. Cette culture commune de l’IA doit s’inscrire dans une culture commune du numérique.

Le second objectif de l’acculturation consiste à cet égard à aiguiser le sens critique des citoyens sans alimenter la défiance. Le Conseil d’État explique que l’information sur l’IA ne doit pas relever de la propagande, mais décrire loyalement et de façon équilibrée les grands principes de fonctionnement des systèmes d'intelligence artificielle, les avantages et inconvénients qu’ils présentent, les potentialités et les limites, les risques et les garanties qui les entourent. L’association des acteurs de la société civile aux décisions stratégiques en matière d’intelligence artificielle est indispensable.

Autrement dit, les citoyens de demain devront disposer d’une approche réflexive et critique concernant le fonctionnement et l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle.

Former des professionnels maîtrisant l’IA et les SHS

Former des « tiers-instruits » maîtrisant l’IA et les SHS. Les sciences humaines et sociales constituent indéniablement un atout pour le futur marché de l’emploi. Le marché de l’emploi ne pourra pas se passer de professionnels formés à la fois aux sciences dures et aux sciences humaines et sociales. C’est d’ailleurs la pensée développée dès 1991 par Michel Serres, Professeur en philosophie de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne dans son ouvrage « Le Tiers-instruit ». Selon lui, le monde réel se trouve bouleversé par l'impact des sciences dures et de leurs applications. La coupure est si grave qu'elle met l'humanité en danger. Il nous faut donc concevoir et fonder un nouveau type d'humain, « métissé », expert à la fois dans ces deux sciences appelé « Tiers-instruit » qui saura répondre aux défis de demain. Les sciences humaines et sociales s’avèrent donc indispensables pour les métiers et compétences liés aux systèmes d’intelligence artificielle et ce, pour plusieurs raisons.

En premier lieu, les sciences humaines et sociales s’avèrent indispensables pour développer une approche critique et réflexive qui permettra d’améliorer les systèmes algorithmiques - particulièrement d’aide à la décision - notamment concernant leur contextualisation, leur éthique ou encore leur diversité. Il est désormais reconnu que les métiers liés à l’intelligence artificielle ne requièrent pas nécessairement des connaissances techniques et scientifiques approfondies, mais plutôt une bonne appréhension des possibles métiers et des opportunités économiques offertes par l’IA.

En deuxième lieu, les sciences humaines et sociales permettent d’acquérir des groupes de compétences attendus des employeurs dont notamment la pensée et l’analyse critique ou encore l'apprentissage actif, la résilience et la flexibilité. En outre, les sciences humaines et sociales permettent en effet d'acquérir des compétences numériques dans les cinq domaines de compétences identifiées par le référentiel Digital Competence Framework for Citizens [24] :

  • la connaissance de l'information et des données qui implique d’articuler les besoins d'informations, de localiser et récupérer des données, des informations et du contenu numérique, de juger de la pertinence de la source et de son contenu ou encore de stocker, gérer et organiser les données, des informations et des contenus numériques.
  • la communication et  la collaboration qui supposent de communiquer et de collaborer grâce aux technologies numériques tout en étant conscient de la diversité culturelle et générationnelle, de participer à la société à travers les services numériques publics et privés et la citoyenneté participative et de gérer sa présence numérique, son identité et sa réputation.
  • la création de contenu numérique afin de créer et éditer du contenu numérique, d’améliorer et d’intégrer des informations et du contenu dans un corpus de connaissances existant tout en comprenant comment le droit d'auteur et les licences doivent être appliqués mais aussi de savoir donner des instructions compréhensibles pour un système informatique.
  • la sécurité qui implique de protéger les appareils, le contenu, les données personnelles et la vie privée dans les environnements numériques, de protéger la santé physique et psychologique et être conscient des technologies numériques pour le bien-être social et l'inclusion sociale et d’être conscient de l'impact environnemental des technologies numériques et de leur utilisation.
  • la résolution de problèmes nécessaire pour identifier les besoins et les problèmes, résoudre les problèmes conceptuels et les situations problématiques dans les environnements numériques et utiliser les outils numériques pour innover dans les processus et les produits.

En dernier lieu, le taux de féminisation est important dans les sciences humaines et sociales. Or, la forte masculinisation du secteur de l’intelligence artificielle déjà mise en évidence lors de la remise du rapport Cédric Villani intitulé « Donner un sens à l’intelligence artificielle » perdure. Un rapport de l’UNESCO, de l’OCDE et IDB sur les effets de l’IA sur la vie professionnelle des femmes publiée en 2022[25] rappelle que trop peu de femmes occupent des emplois liés à l’IA et qu’il s’agit d’un défi pour la trajectoire et le développement futurs des systèmes d’IA. La création de cursus mêlant sciences humaines et sociales et IA pourrait donc permettre de féminiser le secteur.

Ces propositions rejoignent les recommandations de l’Institut Montaigne dans une note d’action de mai 2023 relative aux métiers du numérique afin[26] :

  • d’attirer rapidement et massivement les « talents cachés », notamment féminins, vers les parcours de formation et de reconversion aux métiers du numérique via une campagne de communication nationale ;
  • de développer, via l’appel à manifestation d’intérêt « Compétences et Métiers d’Avenir »(CMA), davantage de parcours hybrides, mêlant l’enseignement de compétences numériques et non-numériques. Le développement d’un parcours hybride peut se faire :
    • au sein d’un établissement d’enseignement supérieur, en croisant des cursus informatique avec des cursus d’autres disciplines (humanités, sciences sociales, etc.) ;
    • entre deux établissements d’enseignement supérieur, avec des doubles diplômes numérique et non-numérique, sur le modèle de ce qui existe entre les écoles de commerce et les écoles d’ingénieurs.
    • Il peut également s’ouvrir à des méthodes plus innovantes dans la constitution d’un « portefeuille de compétences » à partir du vécu des étudiants et des personnes en reconversion.

Pour toutes ces raisons et à l’orée d’un encadrement européen de l'intelligence artificielle, il est essentiel que des formations alliant SHS et IA se multiplient afin de favoriser le développement et le déploiement de systèmes d’intelligence artificielle de confiance.

[1]  J. Briggs and D. Kodnani, “The Potentially Large Effects of Artificial Intelligence on Economic Growth”, 26 March 2023, study, Goldman Sachs, https://www.key4biz.it/wp-content/uploads/2023/03/Global-Economics-Analyst_-The-Potentially-Large-Effects-of-Artificial-Intelligence-on-Economic-Growth-Briggs_Kodnani.pdf.

[2] Frey, C. and Osborne, M. (2017), “The future of employment: How susceptible are jobs to computerisation?”, Technological forecasting and social change 114, p.254-280, https://www.oxfordmartin.ox.ac.uk/downloads/academic/The_Future_of_Employment.pdf.

[3] D. Susskind, Comment les nouvelles technologies et l'intelligence artificielle reconfigurent le marché du travail, Flammarion, 2023, 428 p.

[4] J. Rifkin, La fin du travail, La Découverte, 1997, 476 p.

[5] G. Valenduc et P. Vendramin, « La fin du travail n'est pas pour demain,», ETUI The European Trade Union Institute, 31 mars 2020 15:31 Europe/Brussels, https://www.etui.org/fr/publications/notes-de-prospective/la-fin-du-travail-n-est-pas-pour-demain.

[6] P. Verley, « Révolution industrielle/industrialisation, innovations, organisations », Marché et organisations, 2015/2 (n° 23), p. 61-76, https://www.cairn.info/revue-marche-et-organisations-2015-2-page-61.htm.

[7] France sciences, “La Saga A(G)I”, épisode 3: “Transformation sociétale majeure” par l’IA – à quoi devons-nous nous attendre et pourquoi est-ce perçu comme une menace ?”, 6 avril 2023, https://france-science.com/la-saga-agi-episode-3-transformation-societale-majeure-par-lia-a-quoi-devons-nous-nous-attendre-et-pourquoi-est-ce-percu-comme-une-menace/#Accompagner_la_transition_par_tous_les_moyens_disponibles.

[8] AI for humanity, 2018, anticiper l'impact de l’IA sur le travail et expérimenter.

[9] Ministère du Travail, du Plein emploi et de l’Insertion, « LaborIA : premiers résultats d’une étude sur le déploiement de l’IA dans les organisations », communiqué de presse, 28 mars 2023, https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/l-actualite-du-ministere/article/laboria-premiers-resultats-d-une-etude-sur-le-deploiement-de-l-ia-dans-les.

[10] Ibid.

[11] Cour des comptes, La stratégie nationale de recherche en intelligence artificielle - Une stratégie à structurer et à pérenniser, rapport d’évaluation des politiques publiques, mars 2023, https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-04/20230403-strategie-nationale-recherche-intelligence-artificielle.pdf.

[12] News Thank Éducation et Recherche, « Les 3IA reconduits et élargis ; 500 M€ de l’AMI CMA « dédiés » pour la formation (Sylvie Retailleau) », Paris - Actualité n°288036 - Publié le 04/05/2023, https://education.newstank.fr/article/view/288036/3ia-reconduits-elargis-500-ami-cma-dedies-formation-sylvie-retailleau.html?t=a&a=785180&p=37514&d=14,15,25,26/.  

[13]  OCDE, Etude de cas: anticiper l’avenir du travail, 2022.

[14] WEF, From medicine drones to coral cleaners: 3 'jobs of the future' that are already here, mai 2022. 

[15] France Stratégie, Quels métiers en 2030 ? , rapport de mars 2022, p. 49 et s.

[16] Institut Montaigne, Mobiliser et former les talents du numérique, note d’action, mai 2023,  https://www.institutmontaigne.org/publications/mobiliser-et-former-les-talents-du-numerique.

[17] WEF, Don't fear AI. It will lead to long-term job growth, oct. 2020.

[18] WEF, The Future of Jobs Report, report, oct. 2020.

[19] France stratégie, Intelligence artificielle et travail, rapport, mars 2018, https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rapport-intelligence-artificielle-28-mars-2018_0.pdf.

[20] Pole emploi, « 85% des emplois de 2030 n'existent pas encore », Dossier Les métiers de demain, https://www.pole-emploi.fr/actualites/le-dossier/les-metiers-de-demain/85-des-emplois-de-2030-nexistent.html.

[21] Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL ÉTABLISSANT DES RÈGLES HARMONISÉES CONCERNANT L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE (LÉGISLATION SUR L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE) ET MODIFIANT CERTAINS ACTES LÉGISLATIFS DE L’UNION COM/2021/206 final.

[22] IGN, L'intelligence artificielle pour cartographier les changements climatiques rapides, 2022.

[23] Conseil d’État, Intelligence artificielle et action publique : construire la confiance, servir la performance, Étude à la demande de la Première ministre, août 2022, p. 45 et s. 

[24] Union européenne, Digital Competence Framework for Citizens, 2022, https://joint-research-centre.ec.europa.eu/digcomp_en.

[25] UNESCO, OCDE et IDB, Les effets de l’IA sur la vie professionnelle des femmes, rapport, 2022, https://wp.oecd.ai/app/uploads/2022/03/FRENCH-The-Effects-of-AI-on-the-Working-Lives-of-Women.pdf.

[26] Institut Montaigne, Mobiliser et former les talents du numérique, note d’action, mai 2023,  https://www.institutmontaigne.org/publications/mobiliser-et-former-les-talents-du-numerique.

Marylou Le Roy